Qu’évoque le mot « Parcours » à vos yeux ? Réussite ? Embûches ? Scolarité ?…
Nous sommes partis de cette interrogation qui hante les jeunes à un certain moment de leur existence, pour laisser venir les mots et les impressions qui arrivent. Comment définir son chemin, ses priorités ? Prend-on suffisamment le temps de se pencher sur son cheminement pour en comprendre les origines, les enjeux, les objectifs ?
Dans cet ateliers, nous avons cherché à décrire des étapes, des enchaînements, des échecs et des victoires. Partir d’un point précis et arriver jusqu’à aujourd’hui. Écrire comme cela vient, puis reprendre cette matière pour en tirer l’essentiel. Écrire sa vie, son parcours sur 7 jours…
DES BILLES ET DES CROCS
Lundi : Un fœtus plongé dans la matrice. Un nouveau venu qui devra se faire sa place dans le monde des hommes. Le premier cri, profession de foi des vivants.
Mardi : L’odeur des grains de café torréfiés extirpe l’enfant de sa torpeur. La douce fumée qui embaume chacune des pièces et les tresses dansantes de sa mère. Souvenir d’un sourire aujourd’hui fané.
Mercredi : La brûlure du soleil sur une nuque tannée. Les rires de jeunesse et le sable qui rougeoie. Tourbillon de rêves sur fond de désert infini. À perte de vue. Première cigarette, signature d’un contrat délétère.
Jeudi : Où est-il ? Déni, paralysie des mains au moment de l’impact. Une promesse d’insomnie. Un monde qui s’écroule et emporte tout sur son passage. Résine et libations finissent par prendre le pas.
Vendredi : Le temps s’écoule du sablier. Cendres, fragments de conversation et bribes de pensées enfiévrées. Le garçon n’est plus. À la place se dresse la bête.
Cet être tapi au fond de lui et qui hante les amphis.
Samedi : Solitude inflexible. Un esprit livré à lui-même. Hier, aujourd’hui, demain ? Je ne sais plus. Est-ce que quelqu’un m’entend ? Je n’en peux plus. À l’aide !
Dimanche : Je dois tenter ma chance. Trop longtemps la vie s’est jouée de moi, pantin de chair balloté au gré des courants. C’est fini.
Ose encore une fois m’arracher ce qui m’est cher. Je te le rendrais au centuple. Carnassières en évidence, je te fais cette promesse, Oh VIE !
Alexandre
PUZZLE
Ma découverte du militantisme m’a sauvé.
Elle m’a donné un nouveau souffle.
Avant, c’est comme si la vie n’avait pas de sens, pas de but, pas de principe moteur.
Je me sentais flotter à travers la vie comme si elle se déroulait sans moi et que j’étais contraint à suivre un mouvement qui n’est pas le mien.
C’était douloureux.
Rien n’avait de sens. Tout était compliqué. Partout il fallait acquérir les codes, se conformer, prendre la bonne forme.
C’était fatiguant.
Mais quand j’ai commencé à militer, j’ai compris que tout n’était que codes, normes, règles qui pouvaient – et même devaient – être transgressées.
C’est ainsi que j’ai décidé de quitter la pièce du puzzle à laquelle j’étais assigné pour en rejoindre une autre plus solide car composée de toute une équipe de dissident.e.s.
Comment décrire cette pièce de puzzle ?
C’est une vieille pièce cornée et abîmée, mais qui malgré tous les obstacles est toujours là. C’est une pièce qui regroupe une multitude de personnes qui se soutiennent et qui prennent soin les un.e.s des autres. C’est une pièce qui a calmé mes angoisses. C’est ma nature désormais.
Lundi, le soleil dans mes yeux, ma rétine brûle.
Mardi, les bruits sourds de la ville résonnent dans ma tête, mes oreilles saignent.
Mercredi, c’est déjà le trop plein et j’aimerais que ça s’arrête.
Jeudi, la semaine continue, mais mon corps lui ne bouge plus, au point mort, plus d’énergie, c’est déjà fini.
Vendredi, je ne sors pas de mon lit… et c’est déjà lundi.
À choisir, j’aurais préféré vivre entre samedi et dimanche, quand le brouhaha s’apaise, que le monde se réveille, et que notre esprit – enfin libre de toute obligation – s’éveille aux autres et à la possibilité d’un autre monde…
Éthel
COURIR & MOURIR
Lundi, le départ est douloureux et dans certains cas, l’étape la plus difficile. Mais avec de la discipline, on y arrive.
Mardi, les premières épreuves et les premiers rayons de soleil.
Mercredi, l’instant charnière qui nous propulse, dans le meilleur des cas, dans de lointaines contrées, dans le pire des cas, dans des paysages moisis, et la plupart du temps sur une route calme.
Jeudi, le coucher du soleil et un beau chemin parcouru.
Vendredi, la nuit est tombée mais pas le coureur. Ayant démontré une bonne volonté, lui ainsi que les autres peuvent désormais savourer le fruit de tous ses efforts.
Samedi, on prend le temps de respirer et la belle lumière de la lune revigore.
Dimanche, il est l’heure de ronfler.
Rayane
CAPTURE/PROJECTION
Lundi, j’appréciais ma vie en la capturant
Mardi, j’me suis dit que moi aussi j’aiderai les autres à l’apprécier
Mercredi, on m’a dit que c’était pas pour moi, et que m’envoyer au lycée c’était le goulag
Jeudi, jambe cassée. Je retrouve une caméra et le goût de créer
Vendredi, la voie rapide m’étant fermée, je suis mon chemin par les ptits sentiers
Samedi, quand l’angoisse prend le dessus et que la brume s’épaissit, je crains de perdre de vue la lumière
Dimanche, caméra en main pour essayer d’en capturer une dernière, cette fois la lumière s’est projetée pour éclairer le chemin…
Mikaël